Sophia Aram, chroniqueuse à France Inter, a essayé de faire un spectacle léger. Vraiment. Mais à part le fait qu’elle a appelé son chien « connard », en l’hommage de son ex, elle n’avait rien à nous raconter. Elle ouvre donc un journal pour en commenter le contenu. C’est ainsi que commence son spectacle où se mêlent politique, chefs-d’œuvre littéraires et blogs pour futures mamans, le tout assaisonné de jeux de mots qui vont de la petite pointe à la lance d’acier trempé.
Côté culture, elle salue la profondeur littéraire de Valérie Trierweiler (dont les pensées « se cognent aux fenêtres comme des insectes ») et d’Eric Zemmour (dont la « virilité ostentatoire » n’a pas fini de nous faire rêver). Elle fait également découvrir sa jolie voix en interprétant l’une de ses créations musicales : « Marine a tout pour être heureuse » et joue avec un accent parfaitement exécuté une vidéo de propagande pour un groupe politique québécois.
Côté nature, Sophia Aram, utilise chez elle deux poubelles : la gauche (celle des déchets recyclables) et la droite (le reste). Non, elle n’est pas clivante (même si on le lui a reproché), elle est lucide.

Sophia Aram ©B. Cambillard
Mais elle se démarque surtout par ses analyses de l’actualité, fines, souriantes et trash en même temps, comme un bébé panda qui s’étouffe avec du bambou. C’est ce qui lui a d’ailleurs valu des menaces très élaborées, visant particulièrement son anus, ajoute-t-elle au passage… Lorsqu’elle aborde Charlie Hebdo, Sophia Aram dévoile avec une sincérité désarmante ses premières réactions. Grâce à elle, on découvre le rire conscient, celui que cause un événement dramatique dont on rappelle la dimension comique. En somme, on rit en sachant que ce rire n’est possible qu’avec une certaine distance critique face au drame. Car il faut continuer à rire, surtout aujourd’hui. Il faut continuer à vivre, à écrire, à dessiner, à s’exprimer. L’humour et la liberté d’expression sont des biens précieux. Elle enchaîne sur les réactions de la droite : cette dernière a pu qualifier les caricatures liées à l’islam de coups portés à une minorité, et, ce faisant, adopter une position paternaliste envers les musulmans, victimes de méchants dessins. En les posant comme victimes de caricatures (de dessins qui visent à susciter le sourire par l’actualité, rappelons-le), elle insinue que les musulmans seraient incapables de comprendre le second degré de l’image et d’en rire plutôt que de la prendre comme une attaque personnelle. La droite reste donc fidèle à elle-même : condescendante. Le raisonnement est intelligent, à l’instar du spectacle qui ne laisse pas indifférent.
Ses derniers mots portent sur la grande question : une entité supérieure existe-t-elle ? Selon elle, soit cette entité est assez grande pour se débrouiller sans les hommes (il n’y a donc pas besoin de recourir systématiquement à la violence), soit elle n’existe pas (et il n’y a donc pas… Enfin bref.).
Ses derniers mots après les saluts sonnent comme un envoi : avant, elle remerciait les spectateurs de venir à son spectacle. Désormais, elle les remercie de continuer à rire. Sophia Aram, désarmante et provoquante, observatrice et critique, n’a pas fini de nous surprendre.